La revanche de la bimbo

La revanche de la bimbo

retour d’un vestiaire sous-estimé

Elle est partout. Sur Tiktok, Instagram, dans les magazines, dans la rue…La mode des années 2000 longtemps reléguée au mauvais goût tapageur de la bimbo trop délurée reprend du galon et récupère ce qui lui revient de droit. Pour mieux comprendre, ça se passe plus bas.

Par Carla Thorel

« Ça ne fait pas un peu cagole ? » cette phrase, qui surgit après dix essais désespérés en se demandant s’il est vraiment raisonnable de porter un crop-top pour aller dîner, toute jeune femme si non prononcée l’a au moins une fois déjà entendue. Mais vous nous direz, que vient faire la cagole dans tout ça ?

La cagole, la bimbo, est souvent sudiste, a majoritairement les cheveux décolorés, des faux ongles french manucurés et porte volontiers des robes moulantes à souhait.

Apparues dans les années 2000, ces dernières n’ont pas eu la vie facile tant leur look ultra féminin et assumé a rapidement été jugé de « superficiel » et « écervelé. » Nous le savons, la trend 2000 revit son heure de gloire. Jeans taille basse, baby tees, et sacs baguettes se partagent la vedette en boutique, sur instagram, et dans les magazines.

Mais en voyant Kendall Jenner assister au mariage de sa meilleure amie en robe noire moulante et ajourée, en voyant les ongles de Bella Hadid si longs et colorés, et en voyant l’héroïne d’Euphoria Alexa Demie porter du gloss rose bonbon dans chacune de ses apparitions, une question me taraude. Autant que le look « Paris Hilton » puisse séduire et inspirer, le retour du vestiaire de la bimbo ne serait-il pas devenu politique ?

« Empowerment »

À l’instar du film « La Revanche d’une blonde » où Reese Witherspoon excelle dans ses études de droit pour lutter contre les aprioris sexistes de ses proches, la dite « bimbo » reprend aujourd’hui du service en se jouant des codes.

En guise de bras d’honneur aux mauvaises langues : hauts moulants et jupes minis sont de mise.

On assiste à une revalorisation de sujets qui pouvaient il y a encore vingt ans paraitre inintéressants, trop féminins, et trop girly… Jennifer Padjemi, journaliste et auteure du livre Féminismes et Pop Culture en a une lecture claire « ces codes, beaucoup de femmes se les réapproprient volontairement pour mettre en avant leurs corps, leurs choix, et leur revanche. »  Alors que dans les années 2000, l’aspect trop « pop» de Paris Hilton ou Britney Spears les desservait, Jennifer précise que cela n’a rien d’étonnant : « la pop-culture » c’était limite dégradant avant. Il y a un côté trop « grand public » et trop proche du peuple qui rebute trop pour pouvoir être pris au sérieux. Il est donc clair que jamais à 16 ans Britney Spears ne méritait dans les médias d’avoir une interview sur son processus créatif, ses clips ou encore ses chorégraphies car ce n’était pas pour ça qu’elle était invitée…»

Vingt ans après, en plus d’une médiatisation coupable due à la manière dont la presse a injustement traité ces jeunes femmes, on se rend en fait compte qu’elles incarnaient ce que l’on n’avait encore jamais observé ou nommé chez aucune : l’entrepreunariat. 

Kim Kardashian, Emily Ratajkowski, Kylie Jenner, Nabilla, et nombre de femmes puissantes incarnent désormais d’immenses empires à leur seul effigie. Bien que la plupart issues de milieux aisés voire riches contrairement à des Britney ou Gwen Stefani qui venaient de bleds du Texas et de Californie, ces femmes prennent le relais, et reprennent une parole qui à leurs aînées avait été confisquée. En jouant avec l’hypersexualisation, et en dépassant de milliers les abonnés et chiffres d’affaire des élites médiatiques (et masculines) d’hier, les bimbos se présentent aujourd’hui au monde comme fortes et indépendantes. Bien que ce « retour » des années 2000 soit positif en beaucoup de points nous tenons à jouer l’avocat du diable. Qui a réellement le droit de conjuguer désormais empowerment et sexiness ?

(Dé)passée et (dé)complexée?

Il est toujours intéressant de se questionner sur les raisons pour lesquelles une mode passée s’est arrêtée, et pourquoi elle réapparait.

Jennifer Padjemi se remémore, « n’oublions pas que la mode des années 2000 était profondément grossophobe. Combien de femmes de taille 40 avons-nous vues à l’époque porter des tailles basses ? L’aspect social de son revival est totalement compréhensible et saluable compte tenu des enjeux sexistes que nous avons affrontés ces dernières années. Mais la tendance pure de ces vêtements reste discutable car implicitement excluante pour une partie des femmes. En fin de compte, à qui se limite la reprise de contrôle ? » Sans équivoque, il est à déplorer qu’aucune photo de cette époque mettant en scène les idoles 2000 ne laissent entrevoir un petit bourrelet dépasser des joggings VanDutch de Christina Aguilera ou des Juicy de Ferggie.

Assurément vrai pour le passé, Mélissa, étudiante en école de mode à Toulouse pense que ces diktats ne sont plus d’actualité. « Avec tout le mouvement qu’il y a eu sur l’acceptation de soi il y a quelques années, je trouve qu’il n’y a plus de dissociation faite entre ce que peuvent ou non porter certaines morphologies. (…) ce revival est aussi devenu viral par le sentiment collectif de morosité qu’on a eu à l’arrivée de la pandémie. Via Instagram et Tiktok, on a eu envie de couleur, de légèreté et de gaité c’est ce que le look 2000 nous a donné, et j’y ai vu tous les corps s’y identifier. À leur sauce je trouve que des influenceuses comme TyciadChannel ou Evenora.a qui font sûrement un 40 le font plus que bien en portant des pantalons larges, des corsets, des minis-jupes… » Il faut dire, que les années 2000 ont une large gamme d’accessoires identitaires. « Le look 2000 est tellement riche par ces accessoires et trends ! D’ensembles en velours, aux jeans un peu larges, pantalons de travailleurs, mini jupe, et lunettes de soleil colorées…Je pense que s’il y a bien une mode accessible à tous les goûts et les corps, c’est bien celle-ci. » précise Mélissa.

Décomplexé, le revival des années 2000, qu’il soit adopté sur les réseaux ou dans la vraie vie a par sa légendaire frivolité su montrer de sa puissance et gravité. Vingt ans après, faites-donc résonner les mots de Britney quand vous vous apprêterez à poster une photo « trop dénudée » ou mettre un haut « trop échancré ». « Oops, I did it again », et je ne suis pas prête d’arrêter…