Upcycling

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L’upcycling, ce paramètre économique indissociable à l’avenir de la mode

L’économie avait connu ce type de « boom » avec l’arrivée du bio dans l’agroalimentaire. Les marques de prêt-à-porter déjà installées doivent se réinventer.

Green Washing ou réel progrès ? L’upcycling et les enjeux qu’il recouvre sembleraient bien s’imposer comme le seul futur envisageable de la mode.

Par Carla Thorel

J’ai eu ce drôle d’automatisme dans un rayon bondé de Zara un samedi après-midi -chaque génération trouve en son siècle sa part de bravoure- de sortir mon téléphone pour scanner l’étiquette d’un pull dit « responsable ».

Non, Yuka ne s’est pas encore exporté dans le textile… Il semblerait néanmoins que l’époque actuelle et (l’arrivée notable de l’affichage environnemental du textile) dessine une toute nouvelle clientèle.

Une clientèle avec de nouvelles attentes : celles de savoir où, comment, et par qui son vêtement est confectionné. L’éthique a donc envahi la mode, et cette dernière va bien devoir composer.

Petit à petit l’oiseau fait son nid

Upcycling… Bien qu’on vous en tartine gracieusement de hashtags, vidéos et articles toute la journée, il s’agissait, il y a encore un an, d’un concept inconnu à la limite du saugrenu.

La société est telle qu’il faille toujours porter le bon article. La bonne marque. La bonne pièce qui nous valorisera, et appuiera la place sociale que l’on tiendra. Autant dire que rabibocher un vieux jean avec une taie d’oreiller, ce n’était franchement pas l’idée.

Puis le confinement est passé par-là, rendant la cuisine au levain stylée et la couture dans la foulée. Vidéos d’upcycling ont donc envahi nos téléphones via nos feeds Instagram, Facebook et TikTok. Bien plus qu’une « trend », la boîte de pandore de la consommation de vêtements était ouverte.

S’en sont suivis les questionnements éthiques et responsables que l’on connait : est-il nécessaire de produire autant de vêtements ? Que deviennent nos vêtements jetés ? Les invendus sont-ils donnés ? Précisément, des chiffres effarants mettent en cause le gaspillage textile.

Rien qu’en Europe, une moyenne de 5 millions de tonnes de vêtements est mise sur le marché chaque année pour que 4 millions -de tonnes- de fringues neuves ou usagées soient par la suite jetées.

Du textile en veux-tu en voilà comprenant en partie des produits chimiques, non biodégradables représentant de vraies menaces pour l’environnement. C’est de ce constat qu’est née la vocation d’Anaïs Dautais, fondatrice des Récupérables, alors encore étudiante.  « J’ai toujours été sensible au non-gaspillage vestimentaire grâce à ma grand-mère qui m’emmenait faire les friperies plutôt que les magasins. Mais j’ai découvert l’art du réemploi textile au Brésil où je terminais mes études et où l’upcycling est très répandu pour des motivations économiques. » Anais est formelle, « Des baskets Balenciaga à 800 euros fabriquées par des enfants chinois et qui ne durent même pas 6 mois…Ce n’est pas ça la mode ! Il y a un vrai mouvement qui se crée, sur la durabilité.» 

L’upcycling serait-il le parfait outil marketing pour veiller à changer les codes d’une mode dont on ne veut plus se contenter ?

Une tendance de fond

Les Galeries Lafayette Haussmann, titan de la mode depuis 1894, affichait en août 2021 un tout nouveau visage avec la quasi totalité de son troisième étage consacré au « re-store ».

En gros : plus de 500m2 où des stands de frip’chic telles que Crush’On, Entremains ou Relique se sont implantées, et des stands responsables d’upcycling tels que Rusmin, Salut Beauté ou Patine se sont développés. Cet espace qui fait la part belle à l’économie circulaire se rythme au son du « re ». « Re-cyclez »,« re-nouvelez », et « re-vendez. »

Pour aller plus loin, l’immense enseigne du 9e arrondissement propose désormais à ses clients de venir donner leurs vieux vêtements aux divers stands de son troisième sol… L’opération monde d’après est lancée, à peine quelques semaines plus tard c’est au tour du Printemps Haussmann de se mettre à la slow fashion (avant d’être suivi par Le Bon Marché), et cette fois sur 1300m2. Là-bas aussi, un système de rachat se met en place. « Au coeur du septième étage (humblement appelé septième ciel) il est possible de ramener des produits achetés au Printemps ou non d’ailleurs, et être créditer en argent chez nous. Un crédit pour vous acheter des vêtements ou même une crêpe » explique Stéphane Roth, directeur général du marketing, de l’architecture et de la communication au Printemps avant de renchérir :« plus de 85% des Français ont pris conscience des effets de nos modes de consommation sur la planète » 

Pour Jean-Marc Bellaiche, président du groupe : « dans dix ans, cela représentera une part importante des achats. C’est une tendance de fond de recycler et racheter d’anciens vêtements. À un moment, chacun ressent qu’il y a un trop-plein dans ses placards. On se rappelle maintenant la possibilité d’en retirer une valeur ». À l’instar de Vinted, l’industrie comprend enfin l’importance de la seconde main, motivée par une perspective de second souffle à l’heure d’une économie étouffée par le déclin…

Entre janvier et juillet 2020, le marché de la mode a perdu 21% de sa valeur. Le spectre de la crise économique a réveillé l’envie citoyenne de soutenir ses commerçants de quartier pour préserver les emplois. Dans cet élan de valeur et de durabilité le mantra « moins mais mieux » s’est développé incitant dans ce sens les marques à repenser leurs missions commerciales.

C’est ce qu’observe Camille co-créatrice du concept de seconde main Entremains (fraîchement installé aux Galeries Lafayette) « il ya une multiplication de marques absolument pas tournées sur le marché de la seconde main qui s’y lancent en interne. Notamment Isabelle Marant ou Sandro chez qui tu peux ramener des pièces sous couvert d’un bon d’achat dans leurs nouvelles collections. (…) « Je ne suis pas devin pour affirmer que la consommation éthique deviendra le modèle majeur mais il semblerait que désormais (d’un point de vue communication et économie) toutes les marques existantes ou en création devraient inclure l’éthique dans leurs propositions pour atteindre les acheteurs. Les chiffres affirment que d’ici 2025, l’industrie de la seconde main devrait dépasser celle du prêt-à-porter. C’est sûrement l’avenir de la mode en fait. »

Plus haut dans la sphère textile, le luxe semblerait lui aussi, être sur le point de se réinventer.

Selon Anaïs Dautais, « La niche va devenir la norme ! J’ai rencontré un gars il y a dix ans qui me parlait d’un concept farfelu : et il a créé Renaissance. J’ai foi en l’intégrité du luxe. Il y a déjà Nona Source qui existe ! Des gars de Kenzo répertorient les tissus non-utilisés et les revendent à de jeunes créateurs… Une forme d’économie circulaire dans l’ère du temps. Si tu ne suis pas le circuit tu n’existes plus. » 

Sans s’inventer visionnaire, il est de mise d’attester qu’un réel engouement pour la seconde main et ses multiples alternatives est entrain de modifier à jamais la mode que l’on connait. Est-ce issu d’un effet de mode ? Sûrement. Est-ce un mouvement pérennisable par la volonté sociale d’une économie plus engagée ? Absolument. En se projetant dans le futur rythmé d’affichage textile, de gammes greenwashed Zara, et de défilés upcyclés…On pourrait bien se plaire à penser que la mode de demain, pour tout un chacun, finira littéralement par exister grâce à celle d’hier.